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Monoparentalités : quelles réalités pour les enfants et leurs parents ?
6 janvier 2025
Cet article est une version remaniée d’un communiqué de presse résumant un rapport de recherche : Monoparentalités : étude des situations de garde d’enfants de parents séparés
Cet article se penche sur les familles monoparentales et recomposées, et la manière dont est organisée la garde des enfants. L’objectif est de pouvoir mieux cerner les différentes configurations familiales – monoparentalité, famille recomposée, garde partagée de manière égalitaire entre les deux parents… – tant du point de vue de leur fréquence que des situations socio-économiques qui y sont associées.

Universidad de Navarra - Pimthida
Pour la première fois, on étudie la situation des enfants à partir de données d’une enquête [1] qui permet de mesurer le temps passé chez le parent interrogé. Cela permet de distinguer les différentes configurations familiales des familles monoparentales selon la mesure dans laquelle la garde est plus ou moins partagée entre les deux parents. Comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous, on observe que la grande majorité des enfants (les trois quarts) vivent avec leurs deux parents.
La situation des enfants de parents séparés est assez diversifiée, même si la garde confiée à la mère reste largement majoritaire. En effet, parmi les enfants qui n’habitent pas avec leurs deux parents, environ deux sur cinq vivent tout le temps avec leur mère et un sur six vit la plupart du temps avec elle, mais en passant vraisemblablement une partie des vacances et des weekends chez son père. À l’opposé, seul un enfant de parents séparés sur vingt vit principalement (ou uniquement) chez son père. Dans l’ensemble, les modes de garde après une séparation s’éloignent assez nettement de l’objectif de la loi de 2006 qui visait à privilégier l’hébergement égalitaire [2], puisque cette situation ne concerne qu’un enfant de parents séparés sur cinq. Toutefois, sans aucune information sur la manière dont la séparation s’est déroulée (violences, négligences, éloignement géographique…), il est difficile de juger de la pertinence du type de garde adopté en regard de l’intérêt de l’enfant. Dans certains cas, la séparation a pu avoir lieu avant la naissance de l’enfant ou les deux parents peuvent ne jamais avoir été en couple.
Des modes de gardes différents associés à des niveaux de vie différents
Les différentes configurations de gardes sont associées à des niveaux de vie très différents. Les enfants en garde partagée égalitaire ont en moyenne un niveau de vie proche des enfants de parents non séparés. Par contre, ceux qui vivent tout le temps avec leur mère font face à beaucoup plus de difficultés. La situation des enfants résidant la plupart du temps chez leur mère se situe entre les deux : moins précaires que ceux qui résident tout le temps chez leur mère, ils éprouvent quand même plus de difficultés que ceux en garde partagée ou dont les parents ne sont pas séparés. À titre d’exemple, parmi les enfants de parents non séparés et ceux en garde partagée égalitaire, moins de 15 % n’ont pas les moyens de partir en vacances. Ce pourcentage s’élève à 20 % chez les enfants vivant la plupart du temps chez leur mère et monte jusqu’à 50 % pour ceux qui vivent uniquement chez leur mère.

Une autre source d’inégalité réside dans le genre du parent, même en situation de garde partagée égalitaire. Parmi parents en situation de gardes partagée égalitaire, les mères font face à plus de difficultés que les pères. Ainsi, 20 % des pères ayant la garde partagée sont locataires, contre 40 % des mères dans la même situation.
Les femmes se privent aussi plus souvent de dépenses personnelles : un père avec la garde partagée égalitaire sur 20 n’a pas les moyens d’aller boire un verre avec des amis contre trois mères sur 20 dans la même situation de garde. Mais c’est sans commune mesure avec les mères vraiment seules avec leurs enfants, où cet indicateur de privation monte à une sur trois.
Parent solo moins diplômé et moins à l’emploi ?
Cependant, on ne peut toutefois attribuer la totalité de ces différences de niveaux de vie à la séparation et à la manière dont celle-ci s’est déroulée. En effet, les profils des parents dans les différentes situations ne sont pas les mêmes. Les mères qui sont constamment seules avec leurs enfants sont en moyenne moins diplômées que celles qui partagent la garde de leurs enfants avec l’autre parent, dont les niveaux de diplômes sont similaires à ceux des mères non séparées. Par exemple, alors que la moitié des mères non séparées ou qui ont une garde partagée égalitaire de leurs enfants ont un diplôme de l’enseignement supérieur, seul un quart des mères qui ont la totalité de la charge de leurs enfants ont un tel diplôme.
On retrouve aussi des différences de statut d’emploi selon le type de garde : les mères ayant la garde partagée égalitaire travaillent pour plus de 80 % d’entre elles et en majorité à temps plein. Les mères ayant la majorité de la garde des enfants sont 70 % à travailler et travaillent plus souvent à temps partiel (40 %). Et celles qui les ont la totalité du temps sont plus fréquemment allocataires sociales que les autres – même si la majorité de ces dernières travaillent tout en s’occupant de leurs enfants.
Et la pension alimentaire ?
On remarquera aussi que seule une minorité de ces mères seules bénéficient du soutien financier de l’autre parent. La perception d’une pension alimentaire est bien moins fréquente dans ce type de ménage que chez les mères qui ont la garde des enfants la majorité du temps, mais pas constamment – les enfants se rendant régulièrement, les weekends et/ou les vacances, chez le père. Plus précisément, la perception d’une pension alimentaire est presque inexistante chez les pères ayant la garde partagée (3 %), faible chez les mères ayant la garde partagée (10 %), importante chez les mères ayant la majorité de la garde (60 %), mais plus faible chez les mères ayant la totalité de la garde (30 %). Autrement dit, seule une minorité de celles qui en ont le plus besoin perçoivent une pension alimentaire.
Cette faiblesse de l’aide financière reçue par les mères les plus démunies devrait amener à repenser et renforcer le soutien aux femmes devant assumer toutes seules l’éducation et les besoins des enfants. Pour cela, deux pistes peuvent être évoquées. D’une part, on peut exiger plus de soutien de la part des pères, même quand ils n’ont plus de contacts avec leurs enfants : recours plus fréquent au SECAL (Service des créances alimentaires), sanctions pénales effectives et plus importantes en cas d’abandon de famille. D’autre part, l’État et la Sécurité sociale pourraient soutenir plus fortement ces familles. Cela peut passer par des mesures d’aides spécifiques aux familles monoparentales, mais aussi par des aides plus universelles consacrées aux enfants, comme des allocations familiales plus élevées, la gratuité dans l’accès à toute une série de services publics (transports en commun, santé, école…).
Notes
[1] Il s’agit des données de l’enquête SILC 2021. SILC est une enquête réalisée en face à face par Statbel. En 2021, 7538 ménages ont été interrogés en Belgique. Cette enquête porte principalement sur les revenus et les conditions de vie. L’enquête de 2021 a l’avantage d’intégrer un module ad hoc sur les enfants de parents séparés, ce qui permet d’analyser finement leur situation, notamment à travers la question du nombre de jours moyens mensuels effectivement passé dans le ménage du parent interrogé.