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Travail Santé

Le Covid-19 comme maladie professionnelle : une inégale protection

23 juin 2020 Joël Girès Dernière mise à jour : 21-07-2020

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Le Covid-19 est aujourd’hui reconnu comme maladie professionnelle par l’État belge. Cela signifie qu’il est dans certains cas considéré comme une maladie causée directement et de manière déterminante par le travail. Dans cette situation, les salariés incapables de poursuivre leur activité professionnelle parce qu’ils y ont contracté le Covid-19 peuvent bénéficier d’indemnités supérieures à celle de l’assurance maladie (90% du salaire contre 65%), et être remboursés de la part personnelle des dépenses de soin de santé (c’est-à-dire la part non remboursée par l’assurance maladie). Cependant, cette reconnaissance n’a pas été directe. Elle a d’abord été restreinte puisque pendant le pic de l’épidémie en Belgique, seuls quelques métiers et secteurs étaient concernés [1].

La délimitation des métiers et secteurs pour lesquels le Covid-19 peut être reconnu comme maladie professionnelle n’est pas une question uniquement technique ; elle est aussi fortement politique. L’élargissement de la reconnaissance à tous les secteurs essentiels a par exemple été défendu par les syndicats [2] et a trouvé comme adversaire les milieux patronaux. L’élargissement de la reconnaissance à tous les secteurs essentiels a finalement eu lieu tout récemment [3]. Dans les opposants à cette reconnaissance élargie, on peut citer Pieter Timmermans, représentant de la Fédération des Entreprises Belges (FEB) et sans ambiguïté porte-parole de la réticence à ce que le Covid soit reconnu comme maladie professionnelle :

Je me fais simplement la réflexion : une « maladie professionnelle », ça veut dire que c’est lié à l’activité professionnelle… D’après ce que j’entends par les experts et autres, la plupart des personnes qui ont été contaminées, c’est parce qu’ils sont revenus de vacances de ski, à cause des « lockdown party ». J’ose même dire que l’endroit où vous travaillez, c’est probablement l’endroit le plus sûr pour ne pas être contaminé. (RTBF, 30 avril) [4]

Cet article a pour but de montrer en quoi ce discours est infondé sur base des informations qui sont actuellement à notre disposition.

Mortalité différentielle au Covid-19 selon la profession

Le premier élément qui fait penser que le virus a quelque chose à voir avec l’activité professionnelle est la différence de mortalité par le Covid-19 selon la profession qui a été constatée dans d’autres pays. L’appareil statistique belge n’est malheureusement pas capable de produire ce genre d’informations ; nous devons dès lors regarder à l’étranger. Les résultats les plus marquants sont ceux produits par l’organisme officiel de statistique au Royaume-Uni, qui a calculé les différences de risque de décéder du Covid-19 selon la profession [5]. Les calculs ont eu pour base les 2.494 personnes décédées du Covid jusqu’au 20 avril dans la population en âge de travailler (20-64 ans) ; ils ont été réalisés en neutralisant l’effet de l’âge, le taux de mortalité face au Covid variant très largement avec celui-ci. Les résultats montrent des taux de mortalité au Covid très différents selon la catégorie socioprofessionnelle. Chez les hommes, le taux de mortalité est quatre fois supérieur dans les métiers peu qualifiés – dans lesquels se concentrent les « métiers essentiels » – que dans les professions libérales [6] :

Il y a peu de raisons de penser que les résultats soient différents en Belgique, compte tenu de l’intensité similaire de l’épidémie et de la hiérarchie sociale des métiers assez comparable.

Néanmoins, quand bien même ce résultat est interpellant, il ne permet pas de savoir si c’est bien par le travail que les personnes ont contracté le virus. En France, le département de la Seine Saint-Denis (en périphérie parisienne) a par exemple été identifié comme particulièrement touché par le Covid-19. Le département compte davantage de travailleurs des secteurs essentiels qu’ailleurs (caissières et vendeuses, livreurs et aide-soignantes). Ces travailleurs effectuent aussi des déplacements plus importants pour aller travailler. Mais les professions exercées ne sont qu’une des raisons possibles de cette surmortalité constatée en Seine Saint-Denis. Les habitants y vivent aussi dans des logements plus exigus, ce qui favorise potentiellement la diffusion du virus au sein du ménage, mais aussi du quartier compte tenu de la difficulté à respecter un confinement strict. Il faut par ailleurs considérer que les personnes qui occupent les métiers les moins qualifiés présentent tendanciellement une santé plus fragile ; ils sont notamment plus sujets à certaines affections qui accroissent la probabilité de décéder du Covid-19, et ont un moindre accès aux services de santé.

Le travail comme lieu de contamination

Une étude de l’Université d’Anvers permet de fournir une indication quant au fait que les lieux de travail peuvent être une source de contamination, cette fois pour la Belgique. À travers cette enquête, 192 personnes contaminées par le Covid-19 et capables d’indiquer l’origine de leur infection ont été identifiées [7]. L’échantillon est petit, mais il donne tout de même des résultats indicatifs. Parmi ces 192 personnes, plus de la moitié d’entre elles (51%) indiquent avoir été contaminées au travail :

On apprend également que 39 % de ces personnes contaminées travaillent dans le secteur de la santé. Le personnel soignant est certainement le personnel le plus directement confronté au virus dans son activité professionnelle ; le fait qu’il soit aussi le plus touché par le virus donne à penser que le travail est assez probablement un vecteur important de contamination du Covid-19, du moins dans le secteur des soins [8].

Tous les lieux de travail ne sont pas indistinctement des milieux de propagation du virus. Les lieux où se côtoient beaucoup de personnes, et dans lesquels la proximité physique est importante sont les plus propices à la propagation du virus [9]. Le personnel des supermarchés et les conducteurs des transports en commun sont à ce titre probablement surexposés [10]. C’est sans doute plus encore le cas du personnel soignant, pour lequel il est possible de recenser 8 décès en Belgique depuis le début de l’épidémie à travers les articles parus dans la presse [11]. Ce décompte est tout à fait incomplet puisque les statistiques officielles ne permettent pas de chiffrer le nombre de décès parmi le personnel soignant.

Cette surexposition n’a rien de « naturelle ». Elle tient bien sûr à la nature de l’activité, qui conduit potentiellement à être confronté plus fréquemment au virus (c’est évident dans un service hospitalier de soins intensifs, par exemple), mais elle est aussi le résultat de l’organisation du travail, qui doit en principe anticiper ces risques et protéger le personnel. Or, il est avéré que les mesures de protection mises en place par les employeurs ont été insuffisantes dans de nombreuses situations, et en particulier dans le secteur des soins. Par exemple, entre le 23 mars et le 30 avril, 986 contrôles de l’inspection du travail ont été réalisés en entreprise, dont 75 % se sont soldés par un avertissement. Cette insuffisance a été illustrée à travers des témoignages de salariés dans un article précédent de l’Observatoire des inégalités, dont nous produisons dans l’encadré suivant quelques extraits :

Des mesures insuffisantes pour le personnel en première ligne

On note un véritable manque de moyens de protection, notamment les masques, dont la pénurie a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. Les travailleurs/euses doivent alors avoir régulièrement recours aux initiatives bénévoles, ou confectionner des masques elles/eux-mêmes pour suppléer à leur non-mise à disposition par l’employeur :

Après le début du confinement, on a repris le travail, mais on n’avait pas de protection ni rien. Donc sans protection, sans masque, sans gants. Donc moi et deux autres collègues on a cherché sur des groupes de tissus, des femmes qui font des masques, pour avoir des masques. On en a eu trois, et on a redémarré à travailler avec trois masques en tissus, puis il y a un mois mon employeur a commencé à nous donner des masques, mais on est obligé de les commander. Or, ils devraient nous les mettre d’office, quoi. (Sandrine, aide-ménagère)

Ce manque de moyen de protection est à attribuer à plusieurs logiques. Le secteur des soins a fait l’objet de coupes budgétaires importantes ces dernières années, du fait des politiques d’austérité menées par les gouvernements successifs. Cette politique a aujourd’hui des conséquences très tangibles, le secteur hospitalier devant affronter de plein fouet l’épidémie avec un manque de matériel et un personnel déjà surmené avant la crise. La rationalisation au maximum des moyens de protection devient dès lors la règle à suivre, quand bien même elle diminue la sécurité du personnel et des malades :

Ils grattent le moindre truc, car l’hôpital n’a plus un balle, je sais pas comment le dire autrement. Nous, on garde un masque par shift, parce qu’ils peuvent pas nous en fournir plus, alors que la durée d’utilisation maximale est de 4h. Et on les restérilise jusqu’à 5 fois, alors que c’est normalement à usage unique… (Élodie, infirmière dans une unité Covid)

Ce manque de matériel peut avoir des conséquences absolument tragiques ; c’est le cas dans les maisons de repos, qui concentrent un grand nombre des décès du coronavirus. Pablo est aide-soignant dans une maison de repos dont un tiers des pensionnaires sont décédés du coronavirus et près de la moitié du personnel a été infecté. Pablo a lui-même été infecté, et est toujours malade un mois après son infection.

Ils ont été un peu négligents les 15 premiers jours [après le début du confinement], ils ont été vite dépassés, c’est là je crois qu’il y a malheureusement eu beaucoup de décès. On a attendu longtemps nos masques, quasi deux semaines avant qu’on ait des masques convenables, parce qu’au début on avait que des masques chirurgicaux. On a d’abord dépisté que les pensionnaires, nous ça a été très tardif, ils n’ont fait les premiers tests que la troisième semaine, entre la troisième et la quatrième semaine, au courant du mois d’avril. Et les femmes d’ouvrage n’ont eu des masques qu’à la troisième semaine. Excusez-moi du terme, mais ça a été le bordel. Maintenant c’est stabilisé, mais enfin, on a quand même perdu un tiers des pensionnaires… (Pablo)

Dans le secteur privé, l’absence de mesures suffisantes est plus clairement liée à des impératifs marchands : un dilemme irréconciliable se fait sentir entre la priorité de rendement de l’entreprise et la mise en œuvre de moyens de protection pour les salariés, ceux-ci impliquant un coût pour l’employeur. Audrey, employée dans un supermarché, raconte ce qui s’y passe :

Le personnel se plaint : il y a trop de clients. La réponse de la direction c’est : “non, regardez, sur la base des calculs légaux, on pourrait avoir 180 caddies, on en a que 80, soyez contents”. Sauf que 80 c’est encore beaucoup trop. Donc là il y a tout cet enjeu de combien de clients, et pour eux il y en a jamais trop, tandis que pour le personnel… En fait on travaille comme d’habitude… Les mesures sont largement insuffisantes. Dans le réfectoire il y a rien qui change, dans les vestiaires, pareil… (Audrey)

Dans ce cas, les risques d’exposer les salariés au virus sont multipliés par le management agressif qui a pour but d’augmenter la productivité et le chiffre d’affaires :

Il y a une collègue qui a le Covid-19, et le souci c’est qu’elle a travaillé avec le Covid-19. Ici tu as une pression de dingue sur les malades. Ils envoient pas de médecin contrôle, mais dès qu’ils trouvent que tu es trop fréquemment malade, tu es appelé au bureau, tu reçois une note comme quoi si tu diminues pas ton nombre d’absences tu vas être licencié, donc il y a un vraiment une chasse au malade en permanence, donc voilà c’est assez courant que les gens, même quand ils sont malades, ils viennent bosser, parce qu’ils ont peur d’être mal vus, etc. Dans ce contexte, des gens qui avaient des symptômes [du coronavirus] ont continué à venir. Là, la personne elle a bossé 3 semaines, elle avait tous les symptômes, la perte de goût, d’odorat, la température… (Audrey)

L’insuffisance des mesures de protection concernant le personnel soignant a été objectivée plus précisément : une étude menée auprès de 4.552 infirmier-es en Belgique francophone montre que 61 % d’entre elles/eux ne disposent pas d’un matériel suffisant pour faire face au Covid [12]. Cette absence de matériel adéquat et en suffisance se constate dans tous les services :

Pourcentages d’infirmier-es en insuffisance de matériel selon le service
Services d’urgence 51 %
Services de soins intensifs 48 %
Unités de soins en hôpital général ou universitaire 64 %
Services psychiatriques hospitaliers 77 %
Centres spécialisés et centres de rééducation 73 %
Soins infirmiers à domicile 81 %
Maison de Repos et de Soins 66 %
Services en ambulatoire 63 %
Quartier opératoire 51 %
Unités covid-19 65 %
Unités médico-techniques 55 %

Une seconde étude plus restreinte sur le personnel infirmier dont les résultats se concentrent davantage en Flandre montre un taux moins élevé [13] : 24 % des infirmier-es affirment ne pas avoir un matériel suffisant pour se protéger (sur 1.216 répondant-es). Plus spécifiquement : 18 % affirment ne pas avoir assez de masques FFP, 16 % de blouses, 10 % de lunettes de protection, 7 % de masques chirurgicaux et 6 % de gants.

Quelle est l’ampleur de la surexposition au Covid-19 ?

Nous avons désormais des éléments tangibles pour penser que le virus s’est diffusé dans les lieux de travail, et que certains salariés y ont été surexposés du fait de mesures de protection insuffisantes, en particulier le personnel soignant. Comme cela a été dit précédemment, les statistiques belges ne permettent pas de différencier les infections ou décès liés à la maladie selon la profession, et aucun dispositif particulier à cette crise n’a apparemment été mis en place dans ce but. De quoi disposons-nous en Belgique pour percevoir l’ampleur des contaminations professionnelles au Covid-19 ?

Les déclarations des médecins du travail à l’Agence fédérale des risques professionnels (Fedris) permettent un premier aperçu. Les lois relatives à la prévention des maladies professionnelles demandent en effet aux médecins du travail de déclarer à Fedris toute maladie professionnelle (et donc les cas de Covid-19 contractés au travail). Cependant, dans les faits, ces déclarations concernent presque exclusivement le secteur des soins de santé : les déclarations ont essentiellement été rédigées par les médecins du travail personnellement impliqués dans le prélèvement d’un test PCR Covid-19 dans les secteurs des soins (notamment les maisons de repos), ceux-ci ayant été appelés en renfort par le gouvernement dans la pratique des tests [14]. Ces déclarations sont donc tout à fait partielles, puisqu’elles sont circonscrites à certains secteurs [15], et apparemment dépendantes du nombre de tests réalisés, que l’on sait bien insuffisants depuis le début de l’épidémie. Par ailleurs, il faut savoir que Fedris n’est pas un organisme compétent en termes de maladies professionnelles pour le secteur public [16] : les déclarations de cas Covid-19 dans les hôpitaux publics ne lui sont donc manifestement pas transmises.

Ces chiffres présentent donc de nombreuses limites pour l’analyse. Ils permettent néanmoins de percevoir que les cas de Covid-19 ne sont pas marginaux en milieu professionnel – en tout cas dans le secteur des soins – et ils sont les seuls où la profession est identifiable. À la date du 14 juillet, Fedris a reçu 5333 déclarations de Covid-19 contracté au travail [17]. Voici plus précisément les secteurs concernés :

Déclarations Covid-19 des médecins du travail par secteur d’activité
(uniquement les secteurs avec plus de 50 déclarations - 14/07)
SecteurDéclarations
Activités des hôpitaux généraux, sauf hôpitaux gériatriques et spécialisés 2499
Activités des maisons de repos pour personnes âgées (M.R.P.A.) 605
Activités des maisons de repos et de soins (M.R.S.) 506
Centres Publics d’Action Sociale (C.P.A.S.) 247
Activités des hôpitaux psychiatriques 135
Activités des aides familiales à domicile, sauf soins à domicile 123
Activités des hôpitaux spécialisés 98
Activités de soins résidentiels pour adultes avec un handicap mental 85

Les secteurs les plus touchés sont sans surprise les hôpitaux généraux et les maisons de repos. Si l’on s’intéresse à la profession des personnes, on constate que les infirmières et aide-soignantes sont les plus nombreuses à être contaminées. Le tableau suivant montre que le personnel de nettoyage (sans doute actif dans les institutions délivrant des soins) semble également surexposé :

Déclarations Covid-19 des médecins du travail par profession
(uniquement les métiers avec plus de 100 déclarations - 14/07)
ProfessionDéclarations
Infirmières, sages-femmes et techniciens médicaux 2197
Aide-soignantes, ambulanciers et assimilés 1412
Personnel de nettoyage et aides ménagères 370
Kinésithérapeutes et professions paramédicales 203
Médecins 165
Travailleurs sociaux 133

Il faut également noter que 84 % de ces déclarations concernent des femmes, celles-ci étant largement sur-représentées dans le personnel en première ligne [18]. Mais ces chiffres sont bruts et ne permettent pas d’établir une potentielle sur-contamination des différents personnels [19]. Une étude menée dans une unité Covid du CHU Saint-Pierre établit néanmoins que la proportion de personnes présentant des anticorps au Covid-19 est plus de 2,5 plus élevé chez le personnel soignant que dans la population générale [20], résultat qui va dans le sens d’une sur-contamination du personnel soignant :

Taux de personnes présentant des anticorps au Covid-19
Population d’étudeProportion à avoir des anticorps
Population adulte en Belgique 4,3 %
Personnel soignant 12,6 %

Une double peine ?

L’ensemble des résultats présentés dans cet article laissent peu de doute sur le fait que le travail a été l’un des lieux importants dans lequel a circulé le Covid-19 ; nous pouvons donc sans trop de mal donner tort à Pieter Timmermans (voir l’introduction). On peut de ce fait souligner le paradoxe des mesures qui ont été prises pour freiner l’épidémie : elles ont été assez drastiques pour toute la population, alors qu’elles ont parfois été très modérées sur les lieux de travail, notamment dans les secteurs essentiels, dans lesquels des salarié-es ne disposaient pas de matériel de protection en suffisance.

Les travailleurs/euses en première ligne ont donc dû supporter une double peine : alors qu’ils/elles occupent tendanciellement des métiers peu considérés et mal rémunérés, ils ont probablement été surexposés au Covid-19 et ont de ce fait dû payer le plus lourd tribut face à la crise, en termes de pénibilité au travail, mais aussi en termes de santé et de décès. C’est en tout cas ce que laissent penser les statistiques anglaises, qui ne peuvent pas être reproduites en Belgique. Il faut souligner là un aspect problématique de l’appareil statistique belge, qui ne permet pas de différencier les analyses par profession, que ce soit en matière de santé, mais aussi dans beaucoup d’autres domaines ; il est de ce fait aveugle à de nombreux phénomènes inégalitaires en lien avec les conditions et relations de travail, et ne permet en l’occurrence pas d’établir d’une manière chiffrée le lien entre activité professionnelle et contamination au Covid-19 pour prévenir de potentielles sur-expositions [21]. Plusieurs associations d’infirmières et de personnels soignants (la Fédération nationale des infirmières de Belgique et le groupe de soignants La Santé en lutte) ont ainsi décidé de porter plainte contre l’État et la ministre de la Santé Maggie De Block, pour négligence envers les soignants [22]. Déjà en sous-effectif et endurant des conditions de travail difficiles en temps normal, ses membres se sont vus imposer des rythmes de travail intenables et ont dû travailler malgré le manque de protection pendant l’épidémie, mettant leur santé en danger ; ils/elles ne l’acceptent pas, et dénoncent les cures d’austérité qui ont été imposées à l’hôpital public, créant les conditions d’une impossible réponse face à la crise.

Notes

[1Il s’agit du personnel hospitalier des services des urgences, des soins intensifs, des maladies infectieuses et pulmonaires, des unités Covid, des institutions de santé où s’est déclaré un foyer du virus (comme les maisons de repos ou les institutions où résident des personnes en situation de handicap) ; du personnel chargé du transport des personnes infectées, des centres de triage ou prélevant et manipulant les échantillons cliniques. Voir https://www.fedris.be/fr/FAQ-Covid-19.

[3https://fedris.be/sites/default/files/assets/FR/Newsletters/reconnaissance_covid-19_secteurs_cruciaux.pdf. Cela n’empêche que la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle est difficile : la preuve de l’infection doit être apportée par un test de laboratoire, alors que ceux-ci ont manqué pendant le pic de l’épidémie. Par ailleurs, les personnels non repris dans la liste des métiers à risque établie par Fedris peuvent également demander une indemnisation, mais ils doivent fournir la preuve qu’ils ont bien contracté le virus au travail, ce qui est pratiquement impossible.

[6Les résultats anglais mériteraient une analyse bien plus détaillée. Je les expose succinctement ici simplement pour illustrer le lien entre hiérarchie sociale et décès au Covid-19. Dans ce but, je ne sélectionne que le différentiel de mortalité pour les hommes, qui met davantage ce lien en lumière.

[8Ces résultats sont néanmoins à prendre avec précaution, l’échantillon n’étant sans doute pas représentatif en termes professionnels (les auteurs ne publient pas cette information). Il est par exemple possible que les personnes certaines de la source de leur contamination soient sur-représentées dans les professions du soin.

[14De ce fait, en outre, il n’est pas certain que les médecins du travail différencient systématiquement les cas où le Covid-19 a été contracté au travail des cas où l’origine est incertaine.

[15Des déclarations de cas Covid-19 dans les secteurs où l’infection n’est pas reconnue comme une maladie professionnelle peuvent théoriquement être envoyées à Fedris ; au vu des chiffres cela n’a manifestement pas été le cas, ou très marginalement. On peut notamment relever comme explication partielle le fait que les visites périodiques chez le médecin du travail ont été annulées pendant la crise, rendant la détection des cas plus difficile (voir : https://emploi.belgique.be/fr/themes/coronavirus/surveillance-de-la-sante-pendant-la-crise-du-coronavirus). Informations provenant d’une médecin du travail dans un service externe de prévention et protection au travail.

[16Fedris est compétente pour les administrations provinciales et locales, mais pas les services de l’État fédéral, des communautés et régions.

[17Un grand merci à Gilles Cornez (Fedris) pour m’avoir communiqué ces chiffres.

[19D’une part, ces chiffres sont très incomplets et ne permettent pas de calculer des taux de contamination fiables ; d’autre part, il faudrait comparer ce dernier avec le taux de contamination d’une population témoin (la population générale, par exemple), très hypothétique en l’absence de tests pratiqués massivement.

[21Le Conseil International des Infirmières (CII) demande par exemple que les gouvernements récoltent prestement des données sur les décès du personnel infirmier : https://www.icn.ch/fr/actualites/la-covid-19-entraine-la-mort-de-plus-de-600-infirmieres-et-infirmiers-dans-le-monde.